Edmond Couchot comme artiste, comme théoricien et comme enseignant s’est intéressé avec passion aux relations entre les arts, les sciences, les technologies et l’humain au cours de leurs évolutions historiques. S’attachant à étudier les processus d’automatisation de l’image, il a analysé comment le passage des techniques de l’image basées sur l’optique (la perspective picturale, la photographie, le cinéma, la télévision, la vidéo), à celles basées sur le numérique (synthèse d’image, multi/hypermédia, réalité virtuelle/augmentée/mixte…) a modifié profondément les techniques de figuration (de la représentation à la simulation) et a fait émerger de nouvelles œuvres, où la programmabilité, l’interactivité, l’hybridation et la virtualité sont au cœur du processus de création de l’art numérique.
L’évolution des rapports entre le sujet et les différents modes d’automatisme machinique de génération de l’image est le thème décisif de ses travaux et réflexions. S’appuyant sur de nombreuses créations conçues à partir des technologies numériques, il a décrit le bouleversement qu’elles provoquent dans l’acte artistique : le surgissement de nouvelles perceptions et d’expériences technesthésiques, l’avènement d’une vision du monde renouvelée, l’apparition d’une subjectivité transformée, les modifications du statut de l’œuvre, du rôle de l’artiste, de la place du spectateur et l’émergence d’une esthétique de l’hybridation… Il a mis, ainsi, en évidence les transformations profondes que les technologies numériques induisent dans le mode de production, de diffusion et de conservation des œuvres d’art numérique.
Son attention s’est également portée sur la question des temporalités spécifiques des images, selon leurs techniques de génération et de diffusion, pour questionner les relations entre arts/sciences/technologies/humain : temporalités de la peinture, de la photographie, du cinéma, de la télévision, de la vidéo et des images numériques. Il a montré les changements radicaux, dans notre vie, dans notre culture et dans nos arts que les technologies numériques provoquent, avec l’émergence d’une nouvelle temporalité qu’il appelle « uchronique », résultant du « croisement entre le temps subjectif vécu par l’interacteur et le temps réel ».
Il s’est aussi intéressé aux robots, avatars et acteurs virtuels, sortis des laboratoires, qui se sont glissés au sein des pratiques artistiques et, a montré que grâce à l’appropriation de ces entités artificielles par les artistes, la traditionnelle famille des « arts vivants naturels » s’est renouvelée avec, à ses côtés, la famille des « arts vivants artificiels ». Il a analysé le rapport modifié que ces arts entretiennent avec la science et la technologie contemporaines en dévoilant ce qui demeure et ce qui change dans l’expérience esthétique vécue au cours de la fréquentation d’êtres artificiels autonomes, par l’effet de présence et d’empathie qu’ils causent chez les spectateurs et les émotions qu’ils déclenchent.
Edmond Couchot a souligné que la façon d’envisager les relations entre les arts, les sciences, les technologies et l’humain, a considérablement changé quand les artistes, les théoriciens de l’art et les esthéticiens ont intégré, ou se sont inspirés, dans leurs pratiques et leurs réflexions, des connaissances et des paradigmes issus des sciences cognitives. C’est à partir des multiples disciplines composant les sciences cognitives (neurosciences, psychologie, éthologie, sciences du vivant, intelligence artificielle et vie artificielle, sciences de la communication et de l’information, anthropologie, philosophie et esthétique, sociologie…) qu’il a questionné le complexe projet de naturalisation de l’art, s’appuyant, là encore, sur de nombreuses créations artistiques.
L’enseignement a tenu également une grande place dans les réflexions d’Edmond Couchot. Il y a 38 ans, il partageait, avec ses collègues enseignants-chercheurs-artistes co-fondateurs du département Arts et Technologies de l’Image (ATI) de l’Université Paris 8, l’idée fondamentale d’offrir aux étudiants une formation les dotant d’une double compétence artistique et technique. Cette alliance de connaissances scientifiques et techniques (programmation informatique, algorithmie, savoir-faire relatifs aux technologies numériques) et artistiques (recherche-création artistique), perpétuée et renouvelée par les enseignants-chercheurs actuels d’ATI, donne aux étudiants la possibilité de développer leur propre esthétique dans des créations artistiques innovantes et ainsi leur permet de s’intégrer aussi bien dans l’enseignement supérieur et la recherche, que dans le milieu professionnel de la création numérique.
Le colloque, accompagné d’une exposition, renvoie aux différentes approches développées par les chercheurs et les artistes, en articulation avec les réflexions menées par Edmond Couchot sur les hybridations entre les arts, les sciences, les technologies et l’humain. La manifestation s’inscrit dans la vision de cet auteur dont la pensée n’était ni technolâtre, ni technoclaste, et se fonde dans une interrogation profonde et complexe sur les technologies numériques et ses conséquences dans le champ de la création artistique et de la culture : « ce n’est pas pour autant que la technologie impose fatalement à l’art ce qu’il doit être. Quand cela se produit, les œuvres ne sont que soumission, effet de mode. Mais quand la technologie est repensée, déviée de sa finalité instrumentale et pragmatique, elle devient alors l’occasion d’une expérience esthétique, un moyen d’échange intersubjectif d’émotions, de sentiments, d’idées, de connaissances ; elle prend sens. » (Leonardo/OLATS, 2015).
Plus d’informations sur le programme :
https://inrev.univ-paris8.fr/pour-un-imaginaire-numerique-avec-edmond-couchot